Le compte personnel de formation fait sa mue en 2019
Lancée en 2017, la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage, intégrée en 2018 dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, s’achève avec la publication des nombreux décrets d’application, permettant sa mise en œuvre en 2019.
Depuis le 1er janvier 2015, le compte personnel de formation (CPF) remplace l'ancien droit individuel à la formation (DIF). Chaque personne dispose ainsi, dès son entrée sur le marché du travail et tout au long de sa vie, indépendamment de son statut, d'un tel compte lui permettant de bénéficier, à son initiative, de formations visant à l'acquisition d'un premier niveau de qualification ou au développement de ses compétences et de ses qualifications (C. trav. art. L 6111-1, al. 4).
La loi 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a rénové en profondeur ce dispositif. L'entrée en vigueur de ce « nouveau » CPF dès le 1er janvier 2019 était subordonnée à la publication des nombreuses mesures réglementaires nécessaires à sa mise en œuvre effective. C'est désormais chose faite avec la parution des décrets requis à la fin du mois de décembre 2018 (Décret 2018-1171 du 18-12-2018, JO du 20 ; Décret 2018-1329 du 28-12-2018, JO du 30 ; Décret 2018-1171 du 18-12-2018, JO du 20 ; Décret 2018-1256 du 27-12-2018, JO du 30 ; Décret 2018-1153 du 14-12-2018, JO du 15).
Focus sur les modalités d'application du CPF, notamment ses nouvelles règles d'alimentation.
Un crédit annuel et plusieurs abondements en euros alimentent le CPF
La principale évolution du compte personnel de formation (CPF) concerne son unité de compte : de l'heure de formation, le CPF passe à l'euro. Plusieurs décrets détaillent les nouvelles modalités d'alimentation du CPF des salariés applicables depuis le 1er janvier 2019.
Le salarié peut bénéficier d'un crédit annuel de base de 500 € et obtenir, selon sa situation, des abondements supplémentaires.
Alimentation régulière
Le CPF des salariés bénéficie d'un crédit annuel de base dont le montant varie selon leur durée du travail . En outre, certains salariés peuvent se voir accorder une majoration de leurs droits.
500 € par an pour les salariés au moins à mi-temps
Le compte du salarié ayant effectué une durée de travail égale ou supérieure à la moitié de la durée légale (1 607 heures) ou conventionnelle (nombre d'heures fixé par accord collectif d'entreprise ou de branche) de travail sur l'ensemble de l'année est alimenté à hauteur de 500 € au titre de cette année, dans la limite d'un plafond total de 5 000 € (C. trav. art. R 6323-1, I modifié).
Exemple
Dans une entreprise soumise à la durée légale du travail de 1 607 heures, le salarié ayant travaillé au moins 803,50 heures en 2019 bénéficie d'un crédit de formation au titre de cette année de 500 €.
Le CPF du salarié dont la durée de travail a été inférieure à la moitié de la durée de référence susvisée sur l'ensemble de l'année est crédité, au titre de cette année, d'un montant calculé à due proportion de la durée de travail effectuée. Sont principalement concernés par la proratisation de leur crédit de formation les salariés à temps partiel effectuant moins qu'un mi-temps ainsi que ceux embauchés en cours d'année. Lorsque ce calcul aboutit à un montant en euros comportant des décimales, ce montant est arrondi à la deuxième décimale, au centime d'euro supérieur (C. trav. art. R 6323-1, II-al. 1 à 3 modifié).
Exemple
Dans une entreprise soumise par accord collectif à une durée annuelle de travail de 1 600 heures, le salarié ayant travaillé 455 heures en 2019 bénéficie d'un crédit de formation au titre de cette année de 140,63 € [(450 heures x 500 €)/1 600 heures = 140,625 €, arrondis à 140,63 €].
Pour le salarié dont la durée de travail est décomptée en jours dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jours, le nombre de jours de travail de référence pour le calcul de l'alimentation du CPF est égal au nombre de jours compris dans le forfait tel que fixé par l'accord collectif l'instaurant, dans la limite de 218 jours (C. trav. art. R 6323-1, II-al. 4 modifié).
Exemple
Pour un salarié ayant un forfait annuel de 210 jours, 500 € sont crédités sur son compte s'il a travaillé au moins 105 jours dans l'année. En deçà, le montant de son crédit est calculé à due proportion du nombre de jours travaillés.
800 € par an pour les salariés peu qualifiés
Les salariés peu qualifiés ont droit à une majoration de leur crédit annuel de base et du plafond de leur compte, en vue de les porter à un niveau au moins égal à 1,6 fois les montants applicables aux salariés de droit commun.
Pour rappel sont considérés comme peu qualifiés les salariés n'ayant pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme classé au niveau V, un titre professionnel enregistré et classé au niveau V du répertoire national des certifications professionnelles ou une certification reconnue par une convention collective nationale de branche.
Ainsi, le CPF du salarié peu qualifié ayant effectué une durée annuelle de travail égale ou supérieure à la moitié de la durée de référence susvisée est alimenté , au titre de cette année, à hauteur de 800 €, dans la limite d'un plafond de 8 000 € (C. trav. art. R 6323-3-1, I modifié). En pratique, ce crédit correspond donc au minimum légal (1,6 × 500 €).
Le calcul des droits est effectué par la Caisse des dépôts et consignations
Depuis le 1er janvier 2019, le CPF est intégralement géré et financé par la Caisse des dépôts et consignations. Par conséquent, c'est à celle-ci qu'appartient la mission de calculer le crédit annuel de base des salariés. Elle utilise à cette fin les données issues de la déclaration sociale nominative (DSN) des employeurs afin de procéder à l'alimentation des comptes des salariés.
Un crédit supplémentaire peut être prévu par un accord collectif
Un accord collectif d'entreprise, de groupe ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir des modalités d'alimentation du CPF plus favorables dès lors qu'elles sont assorties d'un financement spécifique à cet effet. Autrement dit, un crédit annuel conventionnel supplémentaire peut s'ajouter au crédit légal de base.
Dans ce cas, l'employeur (et non pas la Caisse des dépôts et consignations) effectue annuellement, pour chacun des salariés concernés, le calcul des droits supplémentaires venant alimenter son CPF. Il verse ensuite à la Caisse des dépôts et consignations (à l'opérateur de compétences en 2019) une somme d'un montant égal à celui de ce crédit supplémentaire. Le compte du salarié est alimenté dès réception de cette somme (C. trav. art. R 6323-2 modifié).
À noter :
Les saisonniers peuvent également bénéficier, en application d'un accord ou d'une décision unilatérale de l'employeur, de droits majorés sur leur CPF (C. trav. art. L 6323-11, al. 7).
Abondements supplémentaires
Le titulaire d'un CPF peut obtenir, dans certaines hypothèses, des sommes supplémentaires sous la forme d'abondements. Ceux-ci ne doivent toutefois pas être confondus, d'une part, avec le crédit conventionnel supplémentaire et, d'autre part, avec l'abondement complémentaire sollicité auprès de différents organismes (employeur, opérateur de compétences, État, Pôle emploi, chambre des métiers et de l'artisanat, etc.) en vue de compléter le financement de la formation à l'occasion de la mobilisation du compte (C. trav. art. L 6323-4).
L'abondement « correctif » est accordé en cas de non-respect des entretiens professionnels
Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, lorsque le salarié n'a pas bénéficié, durant les 6 ans précédant son entretien dédié à l'état des lieux récapitulatif de son parcours professionnel, des entretiens biennaux consacrés à ses perspectives d'évolution professionnelle et d'au moins une action de formation autre que celle conditionnant l'exercice d'une activité ou d'une fonction, en application d'une convention internationale ou de dispositions légales et réglementaires, un abondement est obligatoirement crédité sur son compte (C. trav. art. L 6323-13).
Cet abondement, d'un montant de 3 000 €, est versé par l'employeur à la Caisse des dépôts et consignations (à l'opérateur de compétences en 2019). Cette somme est créditée sur le compte du salarié dès sa réception (C. trav. art. R 6323-3 modifié).
Un abondement pour le salarié licencié à la suite d'un accord de performance collective
Lorsqu'un salarié est licencié à la suite du refus de la modification de son contrat de travail résultant de l'application d'un accord de performance collective, son employeur est tenu d'abonder son CPF.
Fixé à 3 000 €, cet abondement est versé par l'employeur à la Caisse des dépôts et consignations (à l'opérateur de compétences en 2019) puis est crédité sur le compte du salarié dès réception de la somme (C. trav. art. R 6323-3-2 modifié).
À noter :
L'accord de performance collective peut prévoir un abondement d'un montant supérieur à 3 000 €, qui n'est qu'un minimum réglementaire (C. trav. art. L 2254-2, II-4°).
Abondement par l'utilisation des points du compte professionnel de prévention
Les salariés exposés, au-delà des seuils réglementaires, à certains facteurs de risques professionnels énumérés à l'article D 4161-1 du Code du travail, acquièrent des points sur leur compte professionnel de prévention (C2P). Ces points peuvent être utilisés notamment pour financer une action de formation, en vue d'accéder à un emploi non exposé ou moins exposé au risque. Compte tenu de la monétisation des abondements du CPF, les points, convertissables jusqu'à présent en heures de formation, ouvrent droit désormais à un certain montant de prise en charge.
Ainsi, un point, qui ouvrait droit à 25 heures de prise en charge de tout ou partie des frais d'une formation, permet désormais un abondement du CPF de 375 €. Il est précisé que ce montant peut être réévalué selon les modalités fixées à l'article L 6323-11 du Code du travail (C. trav. art. R 4163-11 modifié).
Ce n'est plus l'organisme ou l'employeur prenant en charge les frais de formation qui apprécie l'éligibilité de la formation demandée. Seul l'opérateur du conseil en évolution professionnelle est désormais compétent (C. trav. art. R 4163-19 modifié).
Abondement suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle
Depuis le 1er janvier 2019, les victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dont le taux d'incapacité atteint au moins 10 % peuvent bénéficier d'un abondement de leur CPF pour suivre une formation leur permettant une reconversion professionnelle. Initialement de 500 heures, cet abondement est désormais fixé à 7 500 €, à la suite de la monétisation de ce compte. Son utilisation peut toujours être fractionnée.
L'abondement est automatiquement accordé lorsqu'il est demandé pour une action de formation de nature à favoriser la reconversion professionnelle de l'intéressé ou reconnue éligible par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), et non plus par l'organisme paritaire collecteur agréé ou l'employeur prenant en charge la formation.
Au final, la formation est supportée financièrement par la caisse nationale d'assurance maladie (ou la MSA en agriculture).
En pratique, la caisse rembourse la personne ayant pris en charge la formation. Jusqu'au 31 décembre 2019, cette prise en charge doit être assurée par l'employeur ou l'organisme collectant sa contribution-formation. À compter du 1er janvier 2020, elle est assurée par la CDC. Pour obtenir le remboursement, le financeur doit fournir à la caisse une attestation indiquant que la formation a été effectivement suivie et a fait l'objet d'un règlement (.
Conversion des anciens droits
Le crédit du CPF n'est pas reparti à zéro le 1er janvier 2019. Un décret précise les modalités de conversion en euros des heures de formation acquises et non utilisées au 31 décembre 2018 au titre du CPF et de l'ancien DIF. Il est ainsi prévu que ces heures sont converties en somme d'argent à raison de 15 € par heure.
Exemple
Le salarié disposant d'un CPF crédité, au 31 décembre 2018, de 96 heures au titre du CPF et de 120 heures au titre du DIF bénéficie dès le 1er janvier 2019 d'un crédit de formation égal à 3 240 € [(96 h + 120 h) × 15 €)].
La question se pose de savoir si le crédit acquis au titre du DIF et converti en euros doit être utilisé avant le 1er janvier 2021. En effet, l'article 1-V de la loi 2014-288 du 5 mars 2014 instaurant le CPF avait expressément prévu cette date limite d'utilisation. Est-elle toujours d'actualité maintenant que le compte est crédité en euros ? Une confirmation de l'administration sur ce point serait la bienvenue.
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